En ces temps reculés, Maitre Fourmi,
était un sage fort respecté
dans l’art d’enseigner le taichi.
Quel ne fut pas son étonnement
lorsqu’il vit arriver
une araignée,
avide de suivre son enseignement.
Celle-ci se montra fort polie,
et lui argumenta, de la meilleure façon,
sa très grande envie
d’être admise à ses leçons.
« Comprenez-vous, Maître Fourmi,
me voilà toute décatie;
la mauvaise saison, mon inactivité prolongée
enfin voilà, il me faut retrouver la santé
l’équilibre, la mobilité,
toute chose que votre art, bien enseigné,
procure, ainsi me l’a-t-on dit ».
Maitre Fourmi était perplexe :
Une araignée n’est pas bâtie
comme ses élèves fourmis ;
l’enseignement serait complexe.
Quoique déconcerté,
il invita cependant l’araignée
pour quelques séances d’essai.
Et puis, doit-on le dire?
Pédagogue chevronné, la curiosité de l’exercice
acheva de le séduire.
Et le cours débuta, les gradés dans les coins,
au centre, l’araignée regarde de tous côtés,
se place comme il convient;
Il apparut vite qu’elle était douée,
au grand dam des plus anciens.
Maitre Fourmi – comprenez bien –
avait conçu une forme adaptée
à ses congénères les fourmis.
Dressées, celles-ci conservent quatre pieds,
le centre, le vide, le cercle et tout ce qui sied
au taichi se trouvait, de ce fait, repensé.
Oui, mais voilà, comme chacun sait,
notre araignée est dotée de huit pieds.
Cela remettait en question
toute son adaptation.
Nul ne pouvait songer à mutiler l’araignée,
le respect de son intégrité se devait d’être absolu,
tout comme il était également exclu
de demander aux fourmis de se faire greffer des pieds.
Bref, tout ceci était fort compliqué.
Maitre Fourmi ne pouvait ni imaginer, ni ressentir, ni projeter,
ce que l’araignée vivait.
L’évidence de cette différence lui amena d’autres questions.
Elle fut source d’une réflexion
approfondie
sur l’essentiel de sa transmission,
sur sa pédagogie.
Fourmi ou araignée, tous ses élèves étaient différents.
Ceux qu’il avait cru semblables, ne l’étaient pas forcément.
Si chacun, à sa façon, s’appropriait le mouvement.
Pourquoi, pour l’araignée, en irait-il autrement?
Moralité :
Essentiel et superflu, est-ce le maître qui apprend ?
Est-ce l’élève qui prend ce qu’il lui faut, à tout moment?
Transmettre tient à peu de chose, au fond,
Juste une occasion,
au cours d’ un instant.
Merci pour cette très belle fable. Et de plus fort bien écrite !
Belle leçon d’acceptation de l’autre dans sa différence. Quelle richesse apportée par cette rencontre.
Merci d’être la belle personne que tu es Domitille.
Quelle belle plume ! c’est la tienne Domitille ?